Asexualités- France Culture

Asexualités- France Culture

Lu 34952 fois
Amour, PhiloSex

18 Apr 21

La Série Documentaire, LSD : Vivre Sans Sexualité France Culture 12/04/21
Lettre à France Culture:
Je pensais avoir été choquée par le premier épisode, mais je dois dire que les trois suivants ont été pires…
Le reportage est extrêmement intéressant, enlevé et bien documenté, je reste cependant perplexe, et je n’arrive pas à me défaire de cette amertume qu’il jette sur ma propre vie, ma sexualité, et celle (actuelle mais surtout future) de ma fille de 15 ans.
Pour introduire un brin de contexte, j’exposerai que je suis une femme de plus de cinquante ans, cisgenre, hétérosexuelle de fait, de penchant et de choix. J’ai été mariée dix ans, assez malheureusement, avant de découvrir le plaisir de l’échange sexuel grâce à une très belle relation, après 42 ans. Aujourd’hui la sexualité pour moi est un “bonus track”. Je n’ai plus rien à “faire” ni à prouver : c’est du jeu, de l’échange, de la tendresse, de la sensualité, l’expression de ma féminité et de la jouissance.
Non seulement je ne comprends pas (même si j’entends) les meurtrissures de ces hommes et de ces femmes qui font voeu d’asexualité passagère ou définitive, mais elles me blessent par empathie. Je compatis ces souffrances en même temps qu’elles me révoltent car il me semble qu’elles s’inscrivent toutes dans le déterminisme et la fatalité des relations hétéronormées de notre siècle.
Je crois qu’à force de luttes et de féminismes bien bataillés, nous pouvons toutes aujourd’hui inviter à, ou imposer des relations sexuelles respectueuses, et plaisantes. Je crois qu’il ne tient qu’à nous d’imposer à nos partenaires autant de respect pour leur corps que nous en avons pour le nôtre (effectivement, je ne pense pas que se faire belle ne fait que coûter de l’argent, du temps et de la souffrance mais que c’est un réel plaisir, et comme le dit la blague : “les homos eux ont commencé à faire des efforts quand ils se sont rendus compte que c’est entre eux qu’ils allaient devoir baiser” 😅). Moi je m’aime épilée et la peau hydratée et douce, mais j’aime mes hommes aussi comme ça, et propres, et athlétiques, et avec les ongles coupés, et je les choisis comme ça. Il me semble que c’est par le désir des femmes que les choses peuvent changer, et non par leur accusations.
Si des siècles de patriarcat ont indéniablement fait que l’homme ait pu imposer ses prérogatives (la pénétration comme incontournable ou unique élément de la relation sexuelle par exemple), aujourd’hui si les femmes décidaient simplement de suggérer ou d’imposer les leurs, ça irait tout aussi bien, parce qu’à la fin ils ont toujours aussi envie de sexe, et ils sont prêts à faire des efforts, pour nous, mais aussi pour eux, pour le plus grand bonheur de tous !
Cette amertume me vient aussi du fait que j’imagine ma fille écouter ce genre de discours victimisant : rien dans ce discours ne l’incite à prendre ses propres décisions et imposer ce qu’elle aime, rien de l’invite à proposer/suggérer son style. Pour quelqu’un qui n’a pas d’expérience en sexualité, celle-ci lui est annoncée comme unilatérale, à aucun moment comme un échange. Ce qu’elle entend là c’est que tous les hommes ne cherchent que la pénétration et leur plaisir (“une pipe, un cuni, une pénétration et voilà” - mais quelle horreur !!) sauf Martin Page (je suis fan). Je suis peut-être exceptionnelle, j’ai peut-être beaucoup de chance (je n’y crois pas une minute) mais les hommes que je rencontre ne sont JAMAIS comme ça (et j'ai pas mal échantilloné dernièrement). Je prends soin de moi, je m’amuse, j’aime, je ris, je reçois beaucoup de tendresse et d’échanges affectifs, émotionnels et intellectuels.
Où est l’erreur !?!
En vertu de quoi ne peut-on pas s’approprier la relation et redéfinir un rapport sexuel, (qui à mon sens est d’abord tactile et affectif, même dans une affaire sans lendemain) selon une réciprocité (j’éviterais le terme égalité car le jeu des différences est délicieux).
Et si on enlève la dynamique male-femelle... c'est comment ? Mais il ne s’agit pas de l’enlever justement, mais de jouer avec. Nos rapports émotionnels et amoureux seront toujours d’une manière ou d’une autre affectés par notre environnement, notre culture, notre éducation, les circonstances et nos expériences. Ce n’est pas une raison pour s’y soumettre de manière impuissante. Nous pouvons accepter, reconnaitre ces personnages que nous avons façonnés au cours de notre siècle, de notre vie et jouer de leurs interactions, en rire plutôt que d’en pleurer.
A bon entendeur…

Un mot à dire ?

Recevoir par email les réponses à ce fil de discussion    

Anti-Spam : Inscrire 34952 dans la case